La méthode “ Venture Capital ”pour la valorisation des startups

La méthode “ Venture Capital ”pour la valorisation des startups

par Benjamin Forestier, Partner EvalXP Prof. Affilié Ecole Polytechnique et Patrick Legland Partner EvalXP, Prof. Affilié HEC Paris
January 3, 2021

Introduction

La valorisation d’entreprise repose essentiellement sur deux concepts clés: la projection financière des performances futures et la comparaison des entreprises entre elles. Il y a une catégorie d’entreprise pour laquelle ces deux concepts sont loin d’être aisés: les startups. Par définition, une startup(surtout à son commencement appelé « early seed ») ne possède aucun historique financier sur lequel l’évaluateur pourrait baser ses projections. De plus, les startups évoluent dans des environnements « business » où l’incertitude, la volatilité et la complexité sont de mises, rendant l’exercice d’élaboration d’un business plan fiable plus que périlleux. De plus, il est extrêmement difficile de comparer une startup avec ses pairs surtout si celle-ci est très innovante et disruptive. Est-ce une raison pour capituler et conclure que, de toute façon, valoriser une startup est impossible ? Ce n’est pas la conclusion prise par les « Venture Capitalists » (VC), les professionnels de la finance experts de l’investissement dans ce type d’entreprise. Nous présenterons ici une méthode de valorisation de startup (sachant qu’il en existe une multitude) : la méthode justement nommée « Méthode Venture Capital » étant donné qu’elle se place du point de vue de ces investisseurs.

Un peu de jargon pour commencer

La valorisation d’une startup est une étape-clé dans son développement car c’est un point central dans la préparation d’un tour de financement (appelé « Série » dans le domaine du Venture Capital). L’investisseur VC et l’entrepreneur négocient sur deux points principaux: le montant investi par le premier et le pourcentage de l’entreprise que le dernier est prêt à lui céder en échange. On arrive ainsi à une notion majeure: la valeur « Postmoney ».Cette dernière est simplement la valeur implicite de l’entreprise après que le VC ait investi au capital. La formule est simple et est donnée ci-dessous.

Cette valeur « Postmoney » est bien évidemment celle que l’on se propose de déterminer par la méthode Venture Capital. Bien évidemment avant que le VC n’entre au capital, la startup a déjà une valeur. Cette dernière s’appelle la valeur « Premoney » et est simplement exprimée dans la formule ci-dessous.

L’augmentation de capital consentie suite à l’investissement du VC correspond directement à une augmentation de la valeur d’entreprise étant donné qu’une startup est dans la très grande majorité des cas une entreprise sans dette. Pour conclure ce chapitre « jargon », il faut bien garder en tête qu’à chacun des tours de financement les investisseurs passés et l’entrepreneur se trouvent dilués s’ils ne participent pas à l’augmentation de capital. Nous pouvons maintenant aborder le cœur du sujet, la méthode Venture Capital pour l’estimation de la valeur Postmoney d’une startup.

Explication de la méthode par l’exemple

Plutôt que de partir dans de grandes explications théoriques, nous nous proposons d’expliquer la méthode par un exemple concret. Vous êtes un VC et vous souhaitez investir dans une startup pharmaceutique travaillant sur un nouveau traitement. Vous cherchez à déterminer la valeur de l’entreprise aujourd’hui, ce qui est une tâche périlleuse étant donné son stade de développement. En revanche, il est bien plus aisé de déterminer sa valeur une fois cette dernière bien établie. Pensez par exemple à la difficulté de valoriser Amazon en 2000 ! Vous estimez que dans un horizon de 6 à 8 ans, la startup sera devenue une belle entreprise avec un chiffre d’affaires minimum de 150 M€ et maximum de 300 M€ (avec un scénario central à 200 M€). Basé sur votre expérience de l’industrie pharmaceutique, vous estimez la marge EBITDA comprise entre 25,5 % et32,5 % avec un scénario central à 28,3 %. Enfin, avec l’analyse des multiples dévalorisation du secteur, un multiple Valeur d’entreprise/EBITDA compris entre12,5x et 16x avec un scénario central à 13,9x, vous semble pertinent. Ainsi, entant qu’investisseur vous avez une idée de la valorisation de l’entreprise à la sortie quand vous vendrez vos parts. Elle est donnée par la formule ci-dessous et dépend de votre aptitude à valoriser une entreprise établie.

Maintenant, il faut remonter à la valeur de l’entreprise aujourd’hui. L’idée est d’estimer le taux de rentabilité et le risque pour l’investissement sur l’horizon donné. Pour votre fonds, vous visez un taux de rentabilité interne « r » de 25 % en moyenne ( avec une volatilité de 3 % ). Ce taux dépend de la classe d’actifs, du risque non diversifiable et aussi de votre propre aversion au risque! Vous n’êtes pas né de la dernière pluie et vous savez que la probabilité de faillite « p » est loin d’être nulle pour une startup. Vous l’estimez dans une fourchette de 50 % à 80 % avec un scénario central à 70 %. Votre multiple d’investissement cible sur l’horizon temporel T est ainsi :

Par exemple pour r=25 %, T=7 ans et p=70 %, le multiple d’investissement cible est de 15,9x. Dit autrement, pour 1 € investi vous espérez 15,9€ dans 7ans pour avoir vos 25 % de rentabilité interne. Une autre manière de voir les choses est que si vous pensez avoir 15,9 €en sortie dans 7 ans, il ne faut pas investir plus d’ 1 € afin d’avoir les 25 % de taux de rentabilité interne ciblés. Il reste un dernier paramètre pour que le modèle soit complet: le ratio de rétention. Vous investissez dans la startup mais vous ne serez certainement pas le dernier à investir et donc vous serez inexorablement dilué. Le ratio de rétention est simplement votre part du capital à la sortie ramené à la part du capital que vous détenez à l’entrée. Vous estimez votre ratio de rétention entre 10 % et 20 % (avec un scénario central à 15 %). Cela signifie que si vous aviez 30 % du capital à l’entrée, vous n’aurez plus que 30 %*15 %=4,5 % du capital à la sortie. La valeur Postmoney cible pour vous est alors donnée par la formule suivante :

Vous souhaitez investir un ticket de 2M€ et en échange vous exigez en contrepartie le pourcentage de capital suivant:

Ce pourcentage d’investissement requis est le minimum nécessaire pour avoir la rentabilité que vous souhaitez compte tenu de l’horizon temporel, du risque et de la valeur de l’entreprise à la sortie. Résumons la situation: basé sur votre expérience et conseillé par votre expert indépendant – EvalXP - vous arrivez aux hypothèses suivantes :

Par simulation, uniquement basée sur les équations décrites précédemment, nous sommes capables de vous apporter les informations suivantes:

Ainsi le pourcentage moyen qui vous devriez exiger est de 24,5 %. Si vous n’obtenez que 13,3 % des parts (le quantile à 95 %), alors dans 95 % des scénarios envisagés vous n’aurez pas la rentabilité que vous exigez. A contrario, si vous réussissez à obtenir 39,5 % des parts alors à l’inverse vous êtes sûr que dans 95 % des cas vous aurez votre taux de rentabilité cible. Bien évidemment si vous révisez vos hypothèses, les résultats des simulations changent. Par exemple: si votre ratio de rétention augmente, que la valorisation de l’entreprise à la sortie augmente et que la probabilité de défaillance baisse, alors le pourcentage de capital requis pour obtenir le taux de rentabilité cible baisse drastiquement.

Conclusion

La méthode « Venture Capital » est une méthode de valorisation de startup basée sur le point de vue de l’investisseur. Ce dernier valorise l’entreprise à la sortie, c’est-à-dire dans le futur quand l’entreprise est bien établie et est ainsi plus facile à valoriser. Il estime ensuite le risque de l’investissement et la probabilité de faillite de la startup sur l’horizon temporel anticipé. Il détermine ainsi son multiple d’investissement cible. De plus, l’investisseur (surtout à une étape « early seed ») sait très bien qu’il sera dilué par les tours de financement futurs. Avec toutes ces informations, la méthode« Venture Capital » détermine quelle devrait être la valeur de la startup pour satisfaire les exigences de rentabilité de l’investisseur à la sortie.


Article réalisé par Eval XP
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