Les Earn Out: Comment réconcilier les écarts dévalorisation entre acheteurs et vendeurs ?

Les Earn Out: Comment réconcilier les écarts dévalorisation entre acheteurs et vendeurs ?

par Benjamin Forestier, Partner EvalXP Prof. Affilié Ecole Polytechnique et Patrick Legland Partner EvalXP, Prof. Affilié HEC Paris
November 24, 2020

Introduction

En période de crise, les opportunités d’acquisitions se multiplient. Les vendeurs sont à la recherche de liquidité et sont pressés de céder leurs parts, les acheteurs ayant « un trésor de guerre » profitent de leur excédent de trésorerie pour acquérir de manière opportuniste de belles entreprises à des valorisations fortement dégradées. Néanmoins, c’est aussi dans ces périodes, que les transactions ont le plus de difficultés à aboutir. En effet, l’écart dévalorisation entre la valeur estimée par le vendeur et la valeur perçue par l’acheteur se creuse fortement quand l’incertitude économique, la complexité de l’environnement et la volatilité des marchés financiers explosent. Il est ainsi très difficile d’arriver à un consensus sur un prix ferme. Heureusement, une solution existe et c’est l’objet de cette newsletter: le Earn Out. Il est fréquent que des Earn Out ne soient jamais payés, créant des conflits graves entre acheteurs et vendeurs, interdisant la réalisation des synergies espérées.

Principe de base

Le principe de base du Earn-Out est très simple. Un part significative du prix est payée plus tard sur un montant variable. Cette part variable est intimement liée à la performance future de l’entité achetée, et notamment l’évolution de son EBITDA, qui est souvent retenue comme indicateur de performance. . Ainsi, le vendeur convaincu de l’excellence de son entreprise se verra récompensé et l’acheteur se trouvera rassuré d’acheter au bon prix une belle entreprise. Une manière astucieuse d’aligner les intérêts de l’acheteur et du vendeur, une manière de partager le risque de la transaction et enfin de réduire l’asymétrie d’information entre le vendeur qui connaît bien son entreprise (avec les « squelettes dans le placard ») et l’acheteur qui peut être sceptique en période de crise. Après, concrètement, comment cela fonctionne-t-il? Est-ce autant la panacée que l’on peut espérer?

Les points complexes

Le montage financier est une clause optionnelle dans le contrat décessions. Cela signifie qu’une formule est définie pour calculer un paiement éventuel suivant l’atteinte de critères de performance. Derrière cette fausse simplicité se pose néanmoins beaucoup de questions.

➢ Le périmètre: le Earn Out se calcule sur le périmètre de l’entité achetée et sur cette dernière seulement. Cela implique le maintien d’une comptabilité parallèle à celle de l’acheteur pour bien mesurer la performance financière de l’entreprise achetée. Bien évidemment cela complexifie aussi l’intégration post acquisition de la cible. Les pièges sont multiples, notamment des méthodes comptables différentes entre l’acheteur et le vendeur et donc les indicateurs financiers comme l’EBITDA, qui peuvent être modifiés ou « travaillés ».

➢ La temporalité: ce point très critique conditionne fortement la valeur financière du Earn Out. Le paiement se fait-il en une seule fois au bout de5 ans? De manière multiple et fractionnée tous les ans pendant 3 ans? L’acheteur voudra une période longue pour différer son paiement et être sûr de la viabilité économique de la cible, le vendeur voudra bien évidemment l’opposé étant donné que, par principe, il n’est plus gestionnaire de l’entreprise.

➢ Les critères de performance: ces derniers peuvent être financiers (chiffre d’affaires, EBITDA, etc...) ou non financiers (nombre de nouveaux produits lancés sur le marché, etc...). La question de la mesurabilité est extrêmement critique. Sur les critères financiers, la question de la norme comptable de référence est primordiale et bien évidemment le vendeur est en droit de demander un audit pour vérifier la bonne foi de l’acheteur dans l’exécution du Earn Out (notamment dans la justesse et la sincérité de la comptabilité).

➢ La formule: ici la principale limite est l’imagination de l’ingénierie financière. Il peut y avoir des formules par paliers (10 M€ si EBITDA dans 3ans> seuil) ou par option (3x EBITDA dans 3 ans si EBITDA dans 3 ans>seuil). Des structures plus exotiques sont possibles avec par exemple des notions de plancher et de plafond (pour encadrer les montants afin de limiter le risque pour les deux parties) ou encore des paiements multiples dans le temps (X*EBITDA dans 1 an dans 1 an puis Y*EBITDA dans 2 ans)voire même des formules multicritères (X* CA dans 3 ans+ Y*EBITDA dans3 ans). Bien évidement, plus la formule est alambiquée et plus la valorisation du package est complexe.

La valorisation

La valorisation d’un Earn Out est une tâche complexe qui demande de l’expertise financière. Le principe de base est néanmoins simple: on applique la formule dans différents scénarios. Il y a donc deux points critiques: la probabilité de réalisation d’un scénario et le niveau du critère de performance atteint dans ce scénario. Bien évidemment, plus l’horizon temporel est long et plus l’environnement est volatil, plus le travail dévalorisation est complexe. Pour les amoureux des mathématiques financières, il existe des formules basées sur des modèles optionnels type Black Scholes. La présentation de ces formules est en dehors du périmètre de cette newsletter mais n’hésitez pas à nous contacter si vous voulez plus d’informations !

Ce qu’il faut retenir dans la philosophie, c’est que les quatre paramètres clés sont la formule de calcul, la durée du Earn Out, le taux d’actualisation(représentant la valeur temps de l’argent et le risque non diversifiable) et enfin la volatilité du sous-jacent (autrement dis, l’image mathématique de la probabilité d’atteindre une valeur donnée).Enfin la dernière méthode est la méthode Monte Carlo. Par ordinateur, l’expert va générer des millions de scénarios différents suivant des hypothèses de projections réalistes. L’objectif étant que la valorisation (à savoir combien vaut mon Earn Out?) serve aussi la structuration (à savoir le choix des critères de performance et la formule). Ci-dessous un exemple d’Earn Out complexe et de distribution d’EBITDA généré par l’expert.

paiement de la clause earnout

La conclusion

Le Earn Out est un vrai facilitateur de transactions surtout dans les périodes où l’incertitude sur les résultats futurs est grande. Néanmoins, ce sujet est complexe et recèle de nombreux pièges pour l’acheteur ou le vendeur imprudents. La valorisation de ce type de montage est une affaire d’experts. La structuration et la valorisation du Earn Out sont intimement liées et il est important à la fois pour l’acheteur et le vendeur de bien comprendre le profil rentabilité/risque de l’instrument financier afin de s’assurer de la bonne tenue des opérations et ainsi d’éviter les mauvaises surprises après le closing de l’acquisition.

Article réalisé par Eval XP
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